Outlined in guilt, my portrait stares in a gallery where the walls lie bare.

Fauteuil magistral au milieu d’une pièce aux murs décorés d’or et d’anciennes peintures. Ça dégueule de thune et d’un confort opulent, réservé à cette poignée de personnes qui orbitent autour d’un même blase affublé d’une particule.
La clope entre les lèvres, les jambes qui se balancent au-dessus d’un des deux accoudoirs centenaires, les doigts qui glissent sur le tactile.
“Le tabac abîme le mobilier, Matthias.” Matriarche Von Hauke qui n’a pas besoin d’élaborer, ni de lui rappeler qu’il n’y a pas que les meubles qui prennent cher.
Les yeux bleus relevés au-dessus de l’écran, l’attention retombée sur sa mère. Elle se tient toujours si droite. Comme lui. Trop souvent châtié quand ça n’était pas le cas que c’est imprégné, maintenant.
Et ce sourire qui s’incruste au coin de la bouche, quand il y retire la clope qu’il écrase dans le cendrier posé sur le sol.
“Mauvaise habitude prise là-bas,” qu’il dit. Là-bas. Terre d’adoption, nid d’un tissu de mensonges qu’il continue de tricoter chaque fois qu’il revient au pays. Et dans le regard de sa mère, Mats lit si facilement ces mots : Fumer n’est pas la seule mauvaise habitude.
Mais elle ne dit rien, Alexandra. N’a plus besoin de le dire. Alors elle change de sujet.
“Des nouvelles de ton frère ?” Le rire passe les lèvres du puîné sans laisser le temps au cœur de battre une fois ; ça résonne dans la pièce aux dorures, contre la stature de sa mère.
Et Mats, il secoue la tête, incapable de chasser ce sourire criant cette moquerie cruelle. “Tu veux dire de sa part, ou de ce que j’ai lu sur Bild ce matin ?” L’index s’accroche aux lèvres, les sourcils légèrement relevés. “Sympa, le nouveau surnom. Jakokain, inventif.”
Il pourrait presque se sentir mal du soupir s’échappant de la bouche de sa mère. Presque. Mais la responsabilité est absente, comme le bon sens de l’aîné. Fils au destin tracé, avant de s’écrouler dans la poudreuse et la chair dans une discrétion anéantie par les pages des tabloïds. Mats sait qu’il est remplaçant au poste de favori. Choix par dépit, et non pas par défaut.
“Ton père te cherche.” Sujet changé, encore. “Il a besoin que tu rencontres un de ses associés à San Francisco.” Et les talons qui résonnent pour salutations. Alexandra Von Hauke s’évade, abandonne son fils cadet à ses interrogations.




L’évasion a un prix, et le chèque se signe avec une implication qu’il peine à contrôler. Sans le dire, pourtant. Sans le montrer. La gueule sérieuse et les doigts qui serrent fermement les mains des autres. Messager du paternel, la voix qui parle en son nom. Un homme balancé dans le moule d’héritier, quand on voulait faire de lui un artiste. Plan changé, foutu en l’air par les frasques de l’aîné.
Et Mats sait que ce n’est qu’une question de temps avant qu’on lui demande de revenir vivre en Allemagne pour gérer les affaires aux côtés du père. Destin marqué dans le blase.
“Danke, Herr Richmond.” Saupoudre de l’allemand, qu’ils n’oublient pas l’excellence avec laquelle ils traitent. Les conseils du père en sont presque risibles, quand l’accent est autant amenuisé par les années passées en Californie. “Votre chargé de projet, Ludwig, prendra contact avec vous d’ici quelques heures. Un plaisir de traiter avec vous.”
La voix pourrait sonner faux, s’il n’était pas aussi bon menteur. Plaisir. Il le cherche encore, Mats. Le trouve plus facilement avec un pinceau entre les doigts plutôt qu’un contrat.

On every canvas that I paint is a masterpiece made of my mistakes.

Technique perfectionnée. Copie conforme. Et la suffisance sur la gueule, les mains enfoncées dans les poches quand le tableau passe sous les yeux experts.
C’est étrange, ce petit nombre de peintures soudainement découvertes, retrouvées depuis qu’il s’est incrusté dans le paysage du Lux Network.
“Nom de Dieu, tu t’es dépassé sur celui-là.” Elle prend une photo du tableau, tape sur le tactile. “Une nouvelle réussite de la part du Prussien.”
Mats s’appuie contre la table. Hausse les épaules. Comme si l’œuvre appuyée contre le mur n’était rien. Pas le résultat de plusieurs heures de travail, de recherches. Des litres de cafés et un nombre cancérigène de clopes (fumées en dehors de l’atelier, toujours.)
“C’est pour qui ?”
“Un type qui veut faire plaisir à sa femme qui le tanne depuis des semaines pour avoir un vrai tableau de maître au-dessus de la cheminée.” Elle ramasse son portable, s’accroupit face au fruit du travail. “Dépenser autant de thune pour un truc que la chaleur et la fumée vont ruiner, ça me fascine.”
Mats ne dit rien. Faut dire qu’il s’en contrefout, aussi. Comme de pas mal de choses. Comme de pratiquement tout, au final.


— en vrac;
parle couramment allemand, anglais et italien.
a pris un chien peu de temps après son arrivée à LA, un bâtard trouvé en refuge qu'il a appelé Neptune.
écoute de tout, mais principalement du metal.
son peintre préféré est Le Caravage.
ne boit que de la bière en alcool, et sait pertinemment que ça fait de lui un cliché ambulant.
jure beaucoup, la bouche trop souvent déformée par le vulgaire dans sa langue natale.
regarde énormément les téléréalités MTV et ne l'avouera que sur son lit de mort.
ronfle.