Joyce Shelter | Material girl

D’un mouvement gracile de la main, Joyce retire le cheveu brun qui était venu se poser sur la page 189 de son bouquin de sciences. Elle est studieuse la petite dernière des Shelter, déteste qu’on la dérange pendant qu’elle s’adonne à ce qu’elle aime faire par-dessus tout : étudier. Ses frères, parfois, s’amusent à entrer dans sa chambre pour l’empêcher de travailler et c’est dans ce genre de moment que la gamine se met à hurler et à faire entendre sa voix qui ne s’élève qu’habituellement très peu.
Elle est la benjamine de sa fratrie, trois frères dont une paire de jumeaux qui n’ont de cesse de la protéger et de la traiter en princesse alors qu’elle n’a de ce rang que le genre qu’on lui a assigné à la naissance. A l’adolescence, Joyce est un vrai garçon manqué. Son style émo lui vaut les remontrances de ses parents très pieux qui considèrent cette phase comme passagère quand la jeune-fille jure qu’elle aurait ce style tout au long de sa vie. Ça ne dure finalement que deux ans, pour le plus grand plaisir des géniteurs Shelter.
Régulière dans ses résultats scolaires, Joyce excelle dans toutes les matières, ce qui lui permet de choisir n’importe quelle université parmi toutes celles qui lui ouvrent leurs portes. Joyce, devenue blonde depuis peu, choisit de marcher sur les traces de celui qu’elle considère être l’homme le plus incroyable de la Terre: Son père.


Le père Shelter est pasteur et professeur de philosophie des religions à l'université. Il est homme de foi mais ultra ouvert d’esprit, drôle et charismatique. Le seul défaut qu’on s’accorde à lui trouver est sa calvitie avancée qu’il essaie souvent de cacher à l’aide de couvres-chefs, s’amusant à en changer chaque jour. Joyce estime grandement son géniteur, voit en lui un homme parfait, doué d’une intelligence qu’elle ne retrouve jamais en ses petits-amis et ce manque semble tellement gêner la décolorée qu’elle se voit mettre fin à ses relations dès qu’elle se rend compte qu’ils ne sont jamais aussi bien que son père.

La maman Shelter, quant à elle, est infirmière depuis toujours au California hospital et travaille à mi-temps depuis quelques années pour pouvoir se consacrer à sa passion première qui est la peinture et plus précisément l’aquarelle sur toile. Ses œuvres se vendent, un peu, surtout sur son site ‘www.artofpat.com’ mais davantage sur ebay où elle aime les mettre aux enchères. Pat est une femme qui n’a peur de rien, ni de la maladie, ni de la mort. La seule chose ébranle sa sécurité mentale est la projection que Robbie s’en aille un jour.

Patricia et Robert sont la représentation un peu niaise du couple parfait, se tiennent encore la main dans la rue, même en présence de leurs grands enfants et goûtent chacun à leur tour le plat de l’autre au restaurant. Cette image symboliquement parfaite d’un couple heureux n’a pas eu d’impact particulier sur la chérubine dont les relations amoureuses ont toutes connu une fin dramatique, la plupart du temps, à cause de la jeune-femme elle-même. Joyce est aussi exigeante envers elle qu’envers les autres et les moindres défauts chez ses petits-amis ont toujours été rédhibitoires à tel point qu’à aujourd’hui presque vingt-neuf ans, la décolorée préfère papillonner activement plutôt que vivre une vie bien posée avec un homme à peu près bien.

Après avoir tenté plusieurs voies bien distinctes, la seule fille Shelter étudie la santé animale puisque c’est en future vétérinaire qu’elle se reconnaît finalement le plus. Son empathie, davantage tournée pour les animaux, fait d’elle une excellente assistante pour Valery, son “mentor” et propriétaire de la clinique où elle exerce. Ils travaillent en duo depuis deux années, se complétant avec aisance et bien que la personnalité de son patron dérange souvent Joyce qui se voit dire “oui” à tout, quitter ce lieu de travail serait un trop grand échec pour elle. Les positions controversées du vétérinaire camouflées par des paroles toujours justes lui permettent de garder Shelter auprès de lui, ne se souciant visiblement que très peu de la vision qu’il peut bien lui donner de lui-même.

L’échec, un mot dévastateur pour l’esprit étriqué de Joyce qui ne conçoit pas que ces lettres puissent s’inscrire virtuellement sur elle. C’est d’ailleurs sa plus grande peur, celle qui pourrait la faire sombrer à jamais. Pour le moment, Joyce poursuit ses ambitions en y mettant le prix à payer, devenir une grande vétérinaire ayant obtenu la confiance de toute une population serait l’ultime graal et elle nourrit ce rêve avec tellement de ferveur qu’elle ne voit en Valery qu’un tremplin pour y accéder, laissant ses moeurs et controverses dans un coin de sa tête comme si rien de tout cela n’existait.