Ready or not ready, it's time - Lena [TERMINE]

Elle sait pas si c'est le moment. En fait non elle en est sûre : c'est pas le moment. Elle n'aurait pas du se pointer dans ce karaoké, elle aurait du poser un lapin à cette nana. Elle veut plus être là, ses jambes voudraient la faire fuir, loin d'ici. Parce qu'après tout, l'enjeu est pas simple : Balancer des infos, de manière bienveillante pour la communauté, tout en condamnant implicitement son père et les Tigrovi. Elle joue un drôle de jeu, auquel elle risque un jour de se brûler ardemment. Ses mains moites signent les palpitations rapides de son pouls. C'est pas la première fois qu'elle la voit pourtant, cette Léna. C'est la deuxième. Mais quand même. La musique qui joue au loin est en total décalage avec ce que ressent Miles à ce moment là. Les chants désordonnés par dessus, ajoute au contexte un peu causasse de la situation. Miles finit par s'assoir à la seule table encore disponible, et prend le soin de mettre son sac sur la deuxième chaise, pour réserver l'espace. Elle n'a pas envie de parler, ni même de se justifier si quelqu'un venait à lui demander si la place était libre.

Puis au loin, pointe la femme. Le coeur de Milena bat toujours plus vite. Pas qu'elle lui fasse un effet particulier, mais il faut dire que la situation est anxiogène au possible pour elle. Le signe de la main qu'elle lui fait, de façon discrète, se veut presque passer inaperçue. Qu'elle ne la voit pas, ça lui irait, elle pourrait rentrer chez elle sans rien avoir déballé, tout en ayant bonne conscience de se dire qu'elle a tenté d'alerter. Manque de bol, ça passe pas inaperçu, et alors qu'elle ajuste les plis de sa jupe, elle tente de se donner une composition, pour éviter de se liquéfier.  

Presque tétanisée par la situation, il n'y a bien que son auriculaire qui arrive encore à pianoter sur la table cirée. Milena, comme si son âme s'était échappée de son corps, observe de manière étourdie la silhouette féminine qui se rapproche toujours plus. Puis, enfin, la scène reprend du mouvement. Salut, qu'elle lâche avec un sourire discret en coin. Alors que la femme s'est assise à ses côtés et lui demande si elle est déjà servie, elle ne mime qu'un non d'un signe de tête avant de chercher silencieusement ce qu'elle pourrait bien apprécier boire finalement.  Ya pas d'mal, je suis pas là depuis si longtemps qu'elle finit par cracher. Puis non, j'ai rien commandé, à vrai dire, je pensais même à m'défiler. C'est drôle, mais les guiboles tremblantes, à l'annonce du désir de partir, finirent par reprendre de leur composition.

Elle se lève soudainement, ne se rendant pas compte de la proximité qu'il y avait entre sa dernière phrase et ce geste. Percutant enfin, elle précise Je vais aller me chercher une bière, tu veux quoi ? Dit-elle tout en cherchant sa monnaie. Cet endroit n'était pas un lieu de prédilection pour elle, mais  elle pouvait y croiser des connaissances. Alors, pour faire discret, rien ne valait une bière à la main, en faisant croire à une soirée entre amies. A peine eut-elle trouvé son argent qu'elle prit avec elle son paquet de clopes, en guise de grigri. Il en restait trois dedans, c'était sûr que ça ne lui suffirait pas. Elle allait devoir se ronger le frein.

La journaliste était rassurante, depuis son entrée dans le bâtiment. C'était comme si les ondes qui émanaient d'elle se voulaient de grosses vagues de chaleurs, enveloppant tous les doutes sur son passage. Voilà lui dit-elle en lui tendant la bière, manquant de la renverser sur la table. Elle avait toujours été ce petit oisillon fragile -et maladroit- dont on ne se méfie pas. Mais les ambitions nourries par un vent de liberté, ça fait pousser des ailes. Hm, ça va qu'elle réplique sans réelle portée. Mon père en fout plus une ces derniers temps, donc je prends sa charge de travail, mais bon, ça j'suis habituée. Elle était mitigée entre commencer la conversation ou se laisser guider par Lena. La réponse à sa question vint assez rapidement quand la journaliste prit la parole pour entamer la vrai discussion.

"J'ai pensé à quelque chose..." ... Silence... Dis moi lance-t-elle en la coupant volontairement. C'est combien pour quelles infos ? Comme métamorphosée l'espace d'une seconde, se rappelant son but initial : celui de se faire un peu de sous, mettre de côté pour se barrer le plus rapidement de cette ville. Je prends des risques, qu'elle balance Tu le sais, vu les circonstances de nos rencontres. Et puis, dans le fond, avant de donner ces infos, elle voulait aussi savoir ce qu'il allait advenir de son père dans tous ces articles. Mon père, il va apparaitre, lui aussi ? Le regard implacable de la jeune brune laissa de nouveau place à des yeux de gamine inquiète et incertaine.  

Elle se rend compte soudainement que ce n'est pas tant d'argent qu'elle a besoin. Elle rêve de certitudes qu'elle n'aura jamais, d'une situation qui change sans changer : ne rien mettre dans la balance pour ne rien perdre en somme. Mais la machine était lancée, et tout avait déjà été décidé quand elle avait recontacté cette femme, Lena. Alors qu'elle lui explique comment cela fonctionne, Milena hoche la tête de haut en bas ou de gauche à droite pour réagir de façon mutique, comme elle le fait souvent depuis son enfance. Aujourd'hui, elle avait décidé de parler, alors elle irait jusqu'au bout. J'ai besoin, je crois, juste de savoir que je pourrais avoir un logement et de quoi me nourrir le jour où je devrais partir rapidement. Parce qu'elle le sait, qu'un jour ou l'autre, quelqu'un allait la trouver, et qu'il lui faudrait à ce moment un pied à terre, protégé.

Puis, Miles se demande par quel bout prendre les choses pour la suite. Que veut-elle comme infos ? De quoi as-tu besoin exactement, comme info ? Elle ne pouvait pas protéger son père éternellement, même si cela la tuait à petit feu de s'en rendre compte. Il avait choisi son chemin, elle en ferait de même.