TW : drogue, violence, vol

Les abords de San Juan, nocturnes heures où l’empreinte des ténèbres semble grignoter le ciel et rendre le côté idyllique aux allures tragiques. Tableau guère épique si ce ne sont les voix vives qui montent et agressent l’auditoire restreint. La drogue, fléau qu’ils déversent comme de l’eau bénite parmi les moins lotis de Porto Rico. Plus loin, dans un foyer sommaire, la femme Toledo et ses enfants dorment à poings fermés là où le cavalier époux devient mercenaire de cette blanche diluée pour renflouer ses caisses. Acteur majeur du trafic de l’île, les autorités commençant à remuer les dessous de ses affaires, il prend la décision de quitter l’austère pour renouer avec le rêve américain et transporte les siens vers Los Angeles, cité d’anges qu’il sait siens, sa femme et ses enfants.

Enfance lunaire, sans accro, résultats satisfaisants, réel intérêt pour l’école qui se solde par des fréquentations abyssales, la tirant vers un puits sans fond. Douée pour les études, l’exemple familial devient fossé, gouffre. Le padre rayonnant lorsque les billets verts gagnent son compte et que s’estompe les traces de drogue qui tâchent ses mains. L’aisance à se mouvoir lorsqu’il convoque l’encore à peine adolescente pour infiltrer maisons, appartements et arrière-boutiques du fait de son agilité. C’est l’un de ceux qu’elle appellera « tonton » qui lui enseignera l’art de crocheter des serrures et se déplacer sans être entendue. Leur mère, cuisinière dans un restaurant sans prétention de ce sud de la ville où elle régale les papilles de ses plats latino dont elle seule a le secret. Néanmoins, l’affaire seule ne peut nourrir la fratrie, confortablement installée dans la banlieue sud, maison serrée aux volets délavés.

Ava commence par déserter les bancs de l’école, leur préférant la liberté offerte par les 99ers que les remarques sans cesse sèches et désinvoltes de professeurs en manque de valeur. Elève trop revêche, trop bavarde, sans ambition qui efface ses capacités aux profits de petits délits. Peu à peu, convaincue par l’opinion professorale, elle ne mettra plus les pieds en cours et officiera totalement au sein des 99ers, faisant la fierté de son père, totalement ancré dans une discipline illégale qu’il vénère au nom d’une sacro-sainte mission divine. Sa fille se garde bien de souligner l’impossible véracité des propos paternels et s’engouffre un peu plus dans les cambriolages et rackets qu’elle initie parfois. Son intégration ? Elle brûle une voiture de police et trouve cela fantastique, ce cliché encore présent dans son portefeuille.

Sauf que les considérations reprennent vite le dessus. Rongée par une vie qu’elle aurait aimée avoir lorsqu’elle se plonge dans des livres tard le soir et étudie des sciences au service des siens. Rendue capable par ses recherches, se pensant mieux qu’un simple pion et, pour faire taire ces pensées impies, c’est la poudre blanche qui la force à l’oubli. Rongée par les sévices et les embruns extatiques, son verbe en prend un coup et ses pensées sont liées, oubliées et piétinées par le besoin d’extérioriser. Machine plus qu’humaine, elle se perd. Sorties abusives, soirées contreproductives, tags intempestifs, vols à l’arrachée, sourdine de ses réelles convictions enterrées. Ombre d’elle-même. Serveuse dans un bar la nuit pour occuper légitimement un poste sans accro.

Il y a six ans, Ava prend le contrecoup de sa défaillance. Sur un cambriolage au sein d’une banque d’un quartier plutôt aisé de LA, ils se retrouvent en difficulté. La police bientôt sur les lieux, un agent de sécurité menaçant et son père prenant la poudre d’escampette. C’est là où elle ouvre les yeux, elle n’est qu’un pion et il est lâche. C’est l’un de ses « oncles » d’infortune qui la tire de ce mauvais pas alors qu’un tir de police rate de peu son estomac, laissant une cicatrice à vie sur son flanc droit. Cicatrice zébrant le 99 inscrit à l’encre indélébile dans sa peau. L’incident l’a marquée et, peu à peu, elle s’éloigne de cette routine. Elle jette les pilules aux couleurs arc-en-ciel, se débarrasse de certaines fréquentations et reprend les cours du soir afin d’obtenir un diplôme. Elle se passionne pour la photographie mais son nom rebute et elle ne parvient à percer, tenant un blog sur le net et rendant ses clichés actifs via les réseaux sociaux, connu sous le pseudonyme « A, » sa tête recouverte d’un masque et d’une casquette à chaque apparition. Elle dénonce la pauvreté et la misère et partage le quotidien de ceux de l’ombre sous forme de reportages photo plus dans le but de s’évader et d’extérioriser que de réellement se faire connaître.

Elle demeure cependant fidèle aux 99 car, malgré ses déboires, ils sont les seuls à l’avoir épaulée, soutenue. Néanmoins, elle a quitté le domicile familial et assume son quotidien en écumant les petits jobs : épicerie, service ou même garde de chiens ou chats. Ava ne parle plus à son père qui s’est endetté et n’est qu’une relique morte des 99ers, sa bouteille à la main du soir ou matin devant des matchs qu’il n’acclame plus sur son poste de télévision. Elle n’est pas un modèle et s’est mise en tête de sortir sa mère de cette condition en faisant ce qu’elle sait le mieux : voler. Dès lors, son minois aguicheur lui permet de s’incruster au sein de soirées huppées et de dérober portefeuilles, bijoux et autres sans réel impact dans le monde de l’art mais qui se revendent très bien au marché noir.

Aujourd’hui, toujours rendue au rang de boomers parmi les 99, elle reste fidèle et veille mais est perdue quant au reste. Elle souhaiterait s’émanciper réellement et devenir quelqu’un.